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Bénin : dernier meeting de campagne pour Patrice Talon

Le président béninois Patrice Talon lors d'un meeting électoral   -  
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Bénin

Arrivé au pouvoir en 2016 avec une image de businessman fonceur et moderniste, le président du Bénin, Patrice Talon, est accusé d’avoir confisqué la présidentielle de dimanche pour assurer sa réélection, persuadé d’être le seul à pouvoir changer le destin de son pays.

Jeudi, pendant l'un de ses derniers meetings de campagne, l'ex-magnat du coton, vêtu d'une élégante chemise couleur ivoire et portant une casquette aux couleurs du Bénin, a d'ailleurs prononcé un discours sans équivoque: "C'est bon, c'est fini, le K.O (une victoire au premier tour) est déjà dans la poche".

Il y a cinq ans, lors de cette même campagne, celui qui était alors dans l'opposition assurait pourtant vouloir être le premier président africain à instaurer un mandat unique de sept ans (contre cinq ans renouvelable une fois).

Mais, un an après son arrivée au pouvoir, le parlement a retoqué son projet de révision constitutionnelle, les Béninois craignant que cela ne soit un stratagème pour rester plus longtemps au pouvoir.

L'échec de son projet a bousculé l'égo de cet homme richissime (avec un patrimoine estimé à plus de 400 millions de dollars en 2015 selon Forbes), qui n'aime être ni contrarié ni la compétition.

En homme d'affaires aguerri, Patrice Talon s'est construit lui-même, sans fief, sans réseaux et surtout en opposition au président Thomas Boni Yayi: cet ancien allié est devenu son ennemi juré à la suite de coups politiques pénalisant ses affaires et l'obligeant à vivre en exil pendant plusieurs années en France.

Pour M. Talon, 62 ans, l'ancien chef de l'Etat représente tout ce qu'il déteste: une vieille garde gangrenée par "les affaires" politiques, l'immobilisme et, pire que tout, le laissez-aller.

- Perfectionniste -

Moderniste et "obsédé par les résultats", comme il le dit lui même, le président béninois veut représenter une nouvelle génération de leaders en Afrique.

"Il est obnubilé par le désir de réussite, il veut changer l’histoire de son pays et que l’on se rappelle de lui dans 200 ans", déclare à l'AFP son conseiller en communication, Wilfried Houngbedji.

C'est aussi un perfectionniste: "Il peut arriver dans votre bureau, puis d'un coup repérer le moindre détail qui ne va pas et vous le signaler", confie l'un de ses proches collaborateurs.

Des dizaines de fonctionnaires ont été renvoyés à la moindre faute ou s'ils tentaient de faire ce qu'ils avaient toujours fait: récupérer quelques bakchichs pour arrondir leurs fins de mois.

Ceux qui travaillent à ses côtés, souvent extérieurs à la sphère politique ou issus de la diaspora, se sont ralliés, séduits par son ambition pour le Bénin.

Sur le plan économique, le Bénin affichait une croissance confortable de près de 7% en 2019, avant de tomber à 2% après la fermeture de la frontière terrestre avec son voisin nigérian et la crise du Covid. Toutefois, les prévisions pour l'année 2021 restent plus encourageantes avec un rebond attendu de 5%.

Dès le mois de mars 2020, le chef de l'Etat béninois déclarait que son pays ne disposait pas des "moyens des pays riches" pour imposer un confinement strict, quand bon nombre de ses voisins adoptaient des mesures asphyxiant leur économie.

Son mandat reste également marqué par les négociations pour la restitution d'objets d'art pillés pendant les guerres coloniales de la France et il souhaite se placer en leader ouest-africain de l'introduction de l'ECO, monnaie commune régionale, qui doit remplacer à terme le Franc CFA.

- "Arrogance" -

Mais cinq ans après son arrivée au pouvoir, si l'élite continue de voir en lui un visionnaire, il est détesté par la classe populaire qui lui reproche son arrogance et le développement à marche forcée aux dépens des valeurs démocratiques, auxquelles les Béninois sont très attachés.

"Pour lui, ne pas être populaire est un signe de réussite", explique l’un de ses anciens proches.

A la veille de la présidentielle, tous les opposants de poids vivent en exil, la plupart condamnés en justice par contumace à de très lourdes peines de prison et d'inéligibilité.

Après les élections législatives de 2019, puis durant cette dernière semaine de campagne de la présidentielle, des manifestants de l'opposition ont été dispersés par l'armée à balles réelles, faisant plusieurs morts parmi les civils.

"Si vous jouez son jeu il vous laisse tranquille, mais si vous allez contre lui, il vous réprime", affirme un de ses anciens proches.

Selon cette même source, sa rencontre avec le président rwandais Paul Kagame trois mois après son arrivée au pouvoir l'a profondément marqué: "Il voulait axer son mandat sur un modèle politique charismatique, il l'a trouvé en Kagame".

Son entourage hésite à entretenir cette comparaison aussi flatteuse qu'embarrassante: au pouvoir depuis 2000, le président rwandais, longtemps considéré comme visionnaire, n'hésite pas à afficher des scores de 99% aux élections.

Dimanche, le score de la victoire assurée du chef de l'Etat béninois pourrait être le vrai curseur de cette comparaison.

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