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Kenya : les éléphants menacés par la culture de l'avocat ?

Des éléphants du sanctuaire de Kimana, au Kenya.   -  
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YASUYOSHI CHIBA/AFP or licensors

Kenya

A la frontière tanzanienne, les associations de défense de l'environnement dénoncent l'installation d'exploitations agricoles sur le territoire des pachydermes.

Ce pourrait être une nouvelle menace pour les éléphants. Au Kenya, la demande croissante en avocats pourrait empiéter sur le royaume des pachydermes de la vallée du Rift.

Selon les groupes de protection de l'environnement, cette exploitation de 73 hectares, située tout près du parc national d'Amboseli se trouverait sur le territoire des éléphants et irait à l'encontre de l'usage historique de ces terres.

"Il y a deux fermes ici, et les deux sont exactement au milieu d'une zone de dispersion de la faune. Nous avons des preuves que certaines d e ces zones ont été utilisées par les éléphants comme maternité. Ils sortent du parc pour y mettre bas, puis ils y retournent quand l'éléphanteau est assez fort pour marcher", affirme Daniel Ole Sambu membre du groupe conservationniste Big Life Foundation.

Grand producteur d'avocats, le Kenya a vu ses exportations exploser avec le nouvel engouement pour ce "super aliment" tendance, devenu un incontournable des cartes de cafés et restaurants du monde entier.

Face aux défenseurs des éléphants, les industriels de l'avocat réfutent toutes accusations. Pour eux, les plantations ne menaceront pas la faune kenyane. Ils affirment que les emplois créés sont cruciaux pour l'économie locale.

"La terre est une autre source de capital. Elle va fournir des emplois aux locaux, et même au-delà des locaux, car de nombreuses personnes à Nairobi, dans de nombreux centres urbains, dépendent de l'agriculture" explique Jeremiah Shuaka Saalash, actionnaire de KiliAvo et exploitant d'une ferme.

Or vert

Déjà sixième fournisseur de l'Europe, le Kenya a vu ses exportations d'avocats augmenter de 33% pour atteindre 127 millions de dollars en octobre 2020, selon l'Association des exportateurs de produits frais du pays.

C'est durant cette année exceptionnelle que la société kényane KiliAvo Fresh Ltd a obtenu l'autorisation de l'Autorité nationale de gestion de l'environnement (Nema) d'installer son exploitation sur des terres achetées à des propriétaires masaï.

Le terrain a été débarrassé de sa végétation et clôturé. L'exploitation a été équipée de panneaux solaires, d'une pépinière et de forages pour exploiter les nappes phréatiques.

Inquiets, les propriétaires voisins et des groupes de protection de la nature ont fait valoir que l'agriculture à grande échelle est interdite à cet endroit, en vertu des plans d'utilisation des sols dans la région.

En septembre, sous pression, la Nema a ordonné à KiliAvo de suspendre ses activités, le temps d'examiner l'affaire. L'entreprise a contesté cette décision devant le tribunal environnemental du Kenya, où l'affaire est en cours d'instruction.

En attendant, les cultures se poursuivent. Un matin de début mars, on pouvait ainsi voir des tracteurs labourer la terre rouge, tandis que des ouvriers agricoles arrosaient des rangs de jeunes avocatiers.

Avocat ou tourisme : deux secteurs de l'économie kényane incompatibles

Bien que florissante, la culture de l'avocat au Kenya pèse peu comparé au tourisme qui a rapporté 1,6 milliard de dollars en 2019.

Mais le directeur de la ferme et par ailleurs actionnaire de KiliAvo, Jeremiah Shuaka Saalash, assure que l'exploitation a "sauvé" de nombreux employés du secteur touristique, qui se sont retrouvés sans emploi lorsque les gîtes et hôtels ont fermé avec la pandémie de coronavirus.

"Je défends l'idée qu'on peut coexister avec la faune et avoir une autre source de revenus", explique ce Masaï originaire de la région, en soulignant qu'une exploitation de fruits et légumes encore plus grande se trouve à proximité.

Propriétaires voisins et experts de la faune sont, eux, catégoriques: les deux ne peuvent pas cohabiter. Une culture très consommatrice d'eau comme celle des avocats met en danger cet écosystème classé au patrimoine mondial de l'Unesco, déjà régulièrement confronté à la sécheresse.

Les éléphants ont également déjà heurté la clôture électrique de KiliAvo, preuve selon eux qu'elle se trouve bien sur les routes empruntées par les pachydermes lorsqu'ils quittent Amboseli pour se reproduire, chercher de l'eau et des pâturages.

"Vous imaginez si les éléphants d'Amboseli meurent de faim pour que les Européens puissent manger des avocats?", lance Paula Kahumbu, qui dirige l'ONG Wildlife Direct.

"Si nous continuons ainsi, le parc national d'Amboseli va mourir", prévient Daniel Ole Sambu de la Big Life Foundation, une ONG locale : "Ces éléphants partiront, et ce sera la fin du parc. Cela signifiera l'effondrement du tourisme dans la région".

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