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Bobi Wine : "En Ouganda voter, c'est protester"

SUMY SADURNI/AFP or licensors   -  
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SUMY SADURNI/AFP or licensors

Ouganda

Les élections présidentielles en Ouganda se dérouleront le 14 janvier prochain dans un pays qui est tenu par le président Yoweri Museveni depuis 1986. Le candidat de la jeunesse, une pop star de 38 ans élue député, veut moderniser son pays et faire chuter celui qu'il considère comme un dictateur. Entretien exclusif mené par notre journaliste, Ronald Kato.

Bobi Wine, l'élection est prévue dans quelques jours. Comment qualifieriez-vous la campagne qui s’est déroulée, ressemble t-elle à une campagne électorale classique ?

"Je dirais que nous sommes dans un pays qui se trouve en zone de guerre avec, d'un côté, un pouvoir d'État qui utilise la police, l'armée et toutes les institutions pour réprimer la population et, de l'autre, des citoyens qui sont désarmés en dehors de la loi. J'ai été arrêté dès le jour de la confirmation de ma candidature. Depuis je suis persécuté et mon équipe a été prise pour cible. On lui a tiré dessus. Ils ont tué des membres de mon équipe. Au moment où nous parlons, plus de 126 personnes qui m'accompagnent, y compris des infirmières, des médecins, des chauffeurs, des techniciens, des cuisiniers, sont détenus dans un établissement militaire. Aujourd'hui (7 décembre, NDLR), 23 autres personnes de mon entourage ont encore été arrêtés. Voilà à quoi ressemble une campagne présidentielle en Ouganda."

L'exemple de Mandela et d'Obama

Selon vous, que traduisent les disparitions et les arrestations de journalistes et de militants sur l'état des libertés civiles et de l'activisme politique en Ouganda ?

"L'état des libertés civiles et fondamentales n'existe pas dans notre pays. L'Ouganda est une dictature militaire qui se fait passer pour une démocratie à travers le monde. Le général Museveni a enfilé un costume pour cacher son uniforme militaire et l'AK-47 qu'il utilise pour réprimer le peuple ougandais. Il se présente au monde entier comme un démocrate et notre devoir est de montre son vrai visage. Cet homme a pris le pouvoir par la force en 1986 et, depuis, notre pays a connu 35 ans de répression et de domination par les armes à feu, mais aussi 35 années de tromperies. Le devoir de notre génération est de montrer l'Ouganda tel qu'il est et vers où il doit tendre..."

Des observateurs disent que l'élection est jouée d’avance. La constitution a été modifiée il y a trois ans, pour permettre au président Museveni de gouverner indéfiniment. Pourquoi alors s'engager personnellement dans un combat perdu d'avance ?

"Le passé me fait croire que nous pouvons relever ce défi. Nelson Mandela nous a appris que rien n'était impossible. Personne ne voyait Barack Obama devenir un jour le premier président noir des Etats Unis. Obama a dit que même face à des obstacles insurmontables, les gens qui aiment leur pays peuvent le changer et nous aimons l'Ouganda. L'Ouganda est tout ce que nous avons. Nous sommes nés ici. Nous sommes responsables de la vie de nos parents, mais surtout nous devons préparer l'avenir de nos enfants. Ils n'est pas question de les voir fuir. La Gambie, le Burkina Faso ou le Soudan ont montré que c'était possible de se débarrasser d'un dictateur."

"L'armée a fait plus de victimes que la Covid-19"

Le pouvoir vous accuse d’avoir enfreint les restrictions prises pour enrayer la propagation du coronavirus et que c'est pour cette raison que des personnes ont été arrêtées. Que leur répondez-vous ?

"Vous parlez des accusations de la commission électorale qui prend ses ordres du président Museveni ou de la commission électorale qui est tenue par l'armée ? Durant cette campagne, l'armée a fait plus de morts que la Covid-19 ! Si le général Museveni évoque seulement 54 victimes après les émeutes de novembre, notre bureau des droits de l'homme a enregistré plus de 100 meurtres et je ne parle même pas des blessés et des arrestations abusives. La Covid-19 est utilisée pour justifier la répression et l'étouffement permanent des principes de la démocratie."

Vous espériez une réaction de la communauté internationale : les États-Unis et l'Union Européenne ont publiquement condamné les violences de novembre et ont appelé à des élections libres et équitables. Que doivent-ils faire de plus selon vous ?

"Je tiens d'abord à remercier la communauté internationale d'avoir fait entendre sa voix au moment où cela était nécessaire. Mais sa complaisance peut aussi générer de graves problèmes dans des pays en développement comme l'Ouganda. Je réitère ma reconnaissance à la communauté internationale pour sa prise de position mais je n'oublie pas aussi que notre pays continue de recevoir chaque année plus de 100 millions de dollars des États-Unis pour soutenir les forces de sécurité. Il y a deux ans, mon chauffeur a été abattu avec une arme à feu américaine. Cet argent est utilisé pour violer les droits du peuple ougandais et non pas pour améliorer son quotidien."

Si les résultats de l'élection vous sont défavorables, reconnaîtrez-vous votre défaite ?

"J'accepterais des résultats crédibles même si ce qui se passe actuellement me poussent déjà à en douter. Je suis candidat à la présidentielle mais je n'ai pas le droit de faire campagne. Alors que le général Museveni continue de défendre ses idées. Quel est notre rôle dans cette élection ? Nous sommes là en guise de protestation et nous appelons les Ougandais à voter massivement. Cette élection est une protestation : le général Museveni a tué des gens qui allaient protester alors, aujourd'hui, voter en Ouganda, c'est protester ! Les électeurs peuvent faire la différence lors de cette présidentielle 2021. C'est une révolution."

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