Ethiopie
Par ailleurs, l'armée éthiopienne a bloqué une des principales routes menant au Soudan, empêchant des Éthiopiens fuyant la guerre au Tigré de rejoindre le pays voisin, selon des réfugiés parvenus jeudi au poste-frontière de Lugdi, dans l'est du Soudan.
"L'armée éthiopienne a coupé la route menant à la frontière soudanaise au niveau de la localité de Humera (20 km de la frontière) et ceux qui cherchent à gagner le Soudan doivent éviter la route principale et passer à travers les champs sans se faire voir par les soldats", a expliqué à l'AFP Tesfai Burhano, qui venait d'arriver à Lugdi.
Jeudi, ce poste-frontière était vide et aucun soldat éthiopien n'y était visible. Le journaliste de l'AFP a vu une dizaine de réfugiés traverser la frontière pendant qu'il se trouvait sur place.
Le nombre d'arrivées de réfugiés éthiopiens au Soudan a nettement baissé depuis une semaine, selon les chiffres du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR). Mercredi, l'agence onusienne recensait 718 arrivées, contre 3.813 le 21 novembre.
Selon le HCR, 42 651 réfugiés sont arrivés au Soudan depuis le début du conflit meurtrier au Tigré, dont 70 % via Hamdayit, dans la province soudanaise de Kassala, le reste via celle de Gedaref.
La région du Tigré, dans la nord de l'Ethiopie, est le théâtre d'âpres combats depuis que le Premier ministre Abiy Ahmed y a lancé une opération militaire le 4 novembre, accusant les responsables du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) de chercher à déstabiliser le gouvernement fédéral et d'avoir attaqué deux bases militaires éthiopiennes dans la région, ce que nient les autorités tigréennes.
- Pouvoir politique et militaire -
A travers le TPLF, le Tigré a dominé les structures politiques et sécuritaires de l'Ethiopie entre 1991 - date à laquelle il fait chuter le régime militaro- marxiste du Derg - et 2018 - l'arrivée du Premier ministre Abiy Ahmed au pouvoir.
A partir de cette date, ses dirigeants ont progressivement été écartés des responsabilités à Addis Abeba et sont passés de fait dans l'opposition, réduisant son influence politique.
Mais le TPLF domine toujours les instances régionales, qui disposeraient de forces armées allant jusqu'à 200 000 hommes (forces paramilitaires et miliciens), selon l'International Crisis Group (ICG), qui a interrogé des sources tigréennes.
La Constitution éthiopienne donne aux régions la charge d'organiser leur sécurité mais cette dynamique a pris une tournure "exceptionnelle" au Tigré ces dernières années, note William Davison, de l'ICG.
Le TPLF reste influent au sein de l'appareil sécuritaire et militaire fédéral, où il compte encore des alliés, pas seulement tigréens, souligne de son côté le chercheur Roland Marchal.
- "L'arrogance du TPLF", selon Abiy Ahmed
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a ordonné jeudi, à l'issue d'un ultimatum de 72 heures, le lancement de l'offensive finale contre les autorités dissidentes du Tigré, encerclées à Mekele, la capitale d'un demi-million d'habitants de cette région du Nord de l'Ethiopie.
"La dernière porte de sortie pacifique de la junte du TPLF a été refermée par (son) arrogance", explique M. Abiy dans un message publié sur ses réseaux sociaux, à l'expiration de cet ultimatum de reddition rejeté par avance par les autorités régionales du parti du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF).
L'armée a reçu l'ordre de "mener la (...) dernière phase" de l'offensive lancée le 4 novembre contre le TPLF - qui défiait son autorité depuis plusieurs mois -, indique le Premier ministre, promettant que "tout sera mis en oeuvre pour que la ville de Mekele (...) ne subisse pas de graves dégâts" et "pour protéger les civils".
"Si la clique criminelle du TPLF avait choisi de se rendre pacifiquement, la campagne (militaire) aurait pris fin avec le minimum de dégâts", a souligné le prix Nobel de la Paix 2019, rappelant avoir donné aux dirigeants du Tigré "de multiples opportunités de se rendre pacifiquement ces dernières semaines".
Le Premier ministre - qui affirme également que des "milliers de combattants du TPLF se sont rendus" sans que ce soit vérifiable - appelle "les habitants de Mekele et ses environs à déposer les armes, à se tenir à l'écart des cibles militaires et à prendre toutes les précautions nécessaires".
"Tout sera fait pour éviter de cibler les vestiges historiques, les lieux de culte, les institutions publiques et de développement, les domiciles privés", assure-t-il.
Il est impossible de savoir dans l'immédiat si des opérations militaires contre Mekele ont effectivement commencé, le Tigré étant quasiment coupé du monde depuis le début du conflit, rendant difficile la vérification sur le terrain et de source indépendante des affirmations de l'un et l'autre camp.
Il n'était notamment pas possible de savoir jeudi à quelle distance de la ville se trouve l'armée fédérale qui, ces derniers jours, affirmait converger vers Mekele, tandis que le TPLF assurait lui infliger plusieurs revers.
Des diplomates ont indiqué mercredi à l'AFP que les forces fédérales se trouvaient à au moins 30 km au nord et au sud de Mekele.
- "Affaires internes" -
A l'orée de la quatrième semaine d'offensive militaire contre le TPLF, M. Abiy fait face à des pressions croissantes de l'ONU et de plusieurs pays, inquiets des conséquences sur les civils d'un assaut sur Mekele et de possibles "crimes de guerre", ainsi que des risques que le conflit dégénère en affrontements communautaires dans un pays mosaïque de près de 80 peuples.
Mercredi, M. Abiy a fermement demandé à la communauté internationale de se garder de toute "interférence dans les affaires internes" de son pays.
Le gouvernement fédéral avait également poliment décliné lundi l'offre de médiation de l'Union africaine (UA), dont le siège est à Addis Abeba.
Il avait simplement indiqué qu'il recevrait "par respect" les anciens présidents mozambicain Joaquim Chissano, libérienne Ellen Johnson-Sirleaf et sud-africain Kgalema Motlanthe, arrivés mercredi dans la capitale éthiopienne.
Jeudi, Human Rights Watch (HRW) a rappelé que "les lois de la guerre limitaient les attaques aux "objectifs militaires" et "imposaient aux parties l'obligation de différencier civils et combattants".
Le gouvernement fédéral a affirmé jeudi avoir commencé "la distribution de nourriture, médicaments, eau potable et denrées non alimentaires" aux civils déplacés "dans les zones du Tigré sous (son) contrôle" et promis "l'ouverture d'une voie d'accès humanitaire".
Il se dit "déterminé à travailler avec les agences de l'ONU et autres organisations humanitaires" qui ont réclamé récemment de pouvoir accéder à la région.
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