Gabon
La dépénalisation de l’homosexualité adoptée lundi au Gabon est un soulagement pour la très discrète communauté homosexuelle de ce pays d’Afrique centrale éprouvée par une année dans l’illégalité mais surtout trois semaines d’un débat houleux, souvent violent, qui continue de diviser les Gabonais.
“C’est une bonne nouvelle, nous allons enfin pouvoir souffler”, lâche Parfait junior Magnaga, à la tête de Sante pro humanitus, une des rares associations qui défendent les droits des minorités sexuelles au Gabon.
Les parlementaires gabonais ont définitivement adopté lundi soir la dépénalisation de l’homosexualité, une modification du code pénal initiée par le gouvernement qui a provoqué l’ire d’une partie de l’opinion publique.
En juillet 2019, le Sénat avait voté sa pénalisation : avoir un rapport sexuel avec une personne de même sexe était devenu une “atteinte au mœurs” passible de 6 mois de prison et d’une amende de 5 millions de francs CFA (7.600 euros).
Si la loi n’a jamais été appliquée, “depuis un an, nous étions plus vulnérables face aux violences, car nous n’avions plus le droit de notre côté”, témoigne, dans un entretien avec l’AFP, M. Magnaga, psycho-sexologue de profession.
En temps normal, “il est déjà difficile pour un homosexuel ici d’aller porter plainte quand il est agressé verbalement ou physiquement, la pénalisation avait rendu cela impossible”, ajoute-t-il.
“Le vote des parlementaires est une petite victoire pour nous, mais il n’est pas question de jubiler pour autant, nous préférons rester discrets”, tempère-t-il.
M. Magnaga affirme que la communauté a surtout très envie que le Gabon tourne la page de cette séquence politique “éprouvante”. Plusieurs personnes homosexuelles ont témoigné d’avoir vécu une période psychologiquement très difficile.
Propos homophobes
Depuis trois semaines en effet, la question de la dépénalisation de l’homosexualité était sur toutes les lèvres, dans la rue, la presse et les réseaux sociaux. Et avec, son lot de propos homophobes.
Pas une journée sans qu’un article de presse ne paraisse sur le sujet, certains allant jusqu‘à assimiler l’homosexualité “à la pédophilie” ou encore “à la zoophilie”.
Pas une journée non plus, sans que des leaders de l’Eglise catholique ou de l’opposition ne s’expriment dans des tribunes pour condamner cette pratique sexuelle, souvent dans des termes très violents. Ni même une heure sans que des messages incitant à la haine des homosexuels ne soient publiés sur les réseaux sociaux.
“Dans le taxi, au quartier, à la télévision, à la maison, les remarques homophobes étaient partout”, ajoute M. Magnaga. Le psychologue montre une vidéo, tournée il y a trois jours sur le grand marché de Libreville, selon lui, où l’on voit un jeune homme accusé d‘être homosexuel poursuivi par un groupe, insulté et échappant de justesse à un passage à tabac grâce à l’intervention d’un autre homme.
Lundi matin, juste avant le vote, les titres de presse écrite reflétaient ce climat tendu: “La nation gabonaise se fissure dangereusement”, “la dépénalisation de l’homosexualité passe mal”, pouvait-on lire dans les kiosques.
Parmi les opposants à la dépénalisation, nombreux sont ceux qui affirment que le vote des parlementaires est loin de refléter l’opinion de la majorité des Gabonais. Que le gouvernement a forcé la main des parlementaires.
“Mœurs étrangères”
A l’image de l’opposant Paul-Marie Gondjout qui, dans une lettre ouverte au chef du gouvernement, écrivait: la dépénalisation “ne bénéficie pas d’une grande adhésion”, fustigeant “un pouvoir qui choisit manifestement, et contre les intérêts de son peuple, de servir des lobbies et des mœurs étrangères à nos us et coutumes”.
Des propos proches de ceux de l’archevêque de Libreville Jean-Patrick Iba-Ba qui, le même jour, affirmait dans un communiqué que le “vote était en contradiction” avec l’opinion “de la majorité des Gabonais”. Et d’accuser “certaines organisations internationales” de “conditionner leur aide par l’acceptation des modes de comportements étrangers à nos mœurs”.
L’homosexualité est largement criminalisée en Afrique subsaharienne, où plus de la moitié des pays l’interdisent ou la punissent, parfois de la peine de mort. Le Gabon n’avait cependant jamais interdit l’homosexualité avant l’année dernière, sa législation n’en faisant même pas mention.
Lundi soir, le coordinateur résident des Nations Unies au Gabon, le Dr Stephen Jackson, saluait le vote des parlementaires, “conforme à la promesse constitutionnelle du Gabon selon laquelle chaque citoyen a droit au libre développement de sa personnalité”. Le représentant de l’ONU saluait le Gabon, “Nation fière, indépendante et souveraine”.
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