Ethiopie
Trois personnes ont été tuées et plusieurs grièvement blessées en Ethiopie lors de manifestations mardi, au lendemain du meurtre d’un célèbre chanteur de l’ethnie majoritaire oromo, une nouvelle illustration des tensions politiques et communautaires qui agitent le pays.
Ces violences ont conduit le gouvernement à couper internet dans la capitale Addis Abeba. Elles soulignent la fragilité de la transition démocratique mise en œuvre par le Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix 2019.
Le chanteur Hachalu Hundessa a été tué par balle lundi soir à Addis Abeba, a rapporté la radio-télévision Fana, proche du pouvoir. Il était une des voix fortes de l’ethnie oromo, la plus importante du pays, pendant les années de manifestations antigouvernementales qui ont porté M. Abiy au pouvoir en 2018.
Mardi matin, des foules de manifestants ont convergé vers la capitale depuis la région Oromia voisine, bloquant la circulation.
En Oromia, des violences ont également éclaté à Adama, dans le centre du pays, où des victimes ont affirmé avoir été touchées par des tirs des forces de sécurité, a indiqué à l’AFP Desalegn Fekadu, chirurgien à l’hôpital de la ville.
“Il y a beaucoup de victimes, la plupart par balles. Trois patients sont morts et il y en a encore dans un état critique”, a t-il déclaré. “Il y a aussi plus de 10 patients avec des brûlures. Ils ont raconté que leurs maisons avaient été incendiées.”
Des porte-parole de la police fédérale et de la police régionale de l’Oromia ont indiqué ne pas avoir d’informations sur le nombre de victimes.
Le mobile du meurtre d’Hachalu n’est pas encore connu, mais le chef de la police d’Addis Abeba, Getu Argaw, a déclaré à Fana que “des suspects” avaient été arrêtés.
Au plus fort des manifestations antigouvernementales, qui avaient commencé en 2015, le chanteur avait donné un concert au Millennium Hall, un centre de conférence à Addis Abeba, où il avait exprimé dans ses textes les griefs des Oromo qui s’estimaient marginalisés économiquement et politiquement.
Une ‘situation volatile’
“Nous les Oromo, nous avons fait tout ce que nous pouvions, nous avons fait de notre mieux, nous ne pouvons pas faire plus. Nous avons servi les petites gens et les grandes pour pouvoir vivre ensemble, mais nous ne pouvons plus tolérer cela”, disait l’une de ces chansons.
L’ambassade américaine en Ethiopie a annoncé mardi surveiller “les informations faisant état de manifestations et d’agitation” et évoquant des “coups de feu à Addis Abeba”. Elle a aussi indiqué qu’une manifestation avait lieu aux abords de ses locaux.
“La police a été déployée autour de la ville en réponse aux rumeurs de violences. La situation est actuellement volatile. S’il vous plaît, restez chez vous jusqu‘à nouvel ordre”, a-t-elle ajouté.
Les rues du centre d’Addis Abeba restaient calmes et les commerces ouverts. Mais de larges groupes de manifestants se sont rassemblés en divers endroits en périphérie de la capitale.
Un groupe entonnait des chants honorant la mémoire d’Hachalu, tout en brandissant des drapeaux de l’Oromia. “Un jour, nous serons libres. Hachalu, tu n’auras pas versé ton sang en vain”, chantaient-ils.
Le chanteur Hachalu Hundessa
M. Abiy a appelé au calme et exprimé sa “peine profonde” dans un communiqué publié sur Twitter, décrivant Hachalu comme un “jeune artiste rayonnant”.
Même si M. Abiy est le premier chef de gouvernement oromo de l’histoire moderne, de nombreux nationalistes oromo l’accusent de ne pas faire suffisamment pour défendre les intérêts de sa communauté.
Depuis son accession au pouvoir, le Premier ministre s’est efforcé de promouvoir des réformes politiques et économiques. Mais cette ouverture a laissé le champ libre aux violences intercommunautaires qui mettent à l‘épreuve le système éthiopien de fédéralisme ethnique.
En novembre 2019, 78 personnes avaient ainsi été tuées en Oromia dans une vague de violences qui avait débuté par des manifestations contre M. Abiy avant d‘évoluer en affrontements alimentés par le ressentiment ethnique et religieux.
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