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Razan Al Mubarak : "Nous devons investir dans le plus grand musée qui soit, la nature"

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Dans cet épisode, l’équipe d’Inspire Middle East vous fait découvrir Le parc Jubail Mangrove. Dans cette forêt luxuriante et humide Rebecca McLaughlin-Eastham a rencontré Razan Al Mubarak, la cheffe de l’Agence environnementale d’Abu Dhabi. Rosie-Lyse Thomson s’est, elle, rendue en Jordanie, un corridor migratoire clé au Moyen Orient pour de nombreuses espèces d’oiseaux. Ils transitent par le Moyen-Orient et l’Afrique du nord lors d’un voyage bien périlleux.

Les mangroves boisées de l‘île d’Al Jubail sont devenues un concentré de biodiversité le long du littoral des Emirats. Cette vaste zone est un terrain de jeu pour les gazelles et un endroit où les flamants roses affluent. Le projet dans son intégralité est une extension de la vision écologique du Cheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, fondateur des Emirats arabes unis.

“Le parc Jubail Mangrove est l’un des éléments d’un projet qui s’étend à l’ensemble de l’île, sur 32 kilomètres carrés. Notre objectif est de créer un développement de très faible densité en harmonie avec les zones protégées et environnementales tout autour. Il y a une myriade d’espèces ici, vraiment, plus de 80 espèces d’oiseaux et 13 espèces de crabes de différentes tailles et bien sûr de nombreuses espèces de poissons qui évoluent dans un environnement comme celui-ci”, explique Richard Russel, directeur général des opérations chez Jubail Island Investment Company (JIIC).

Un rapport du WWF indique que nos écosystèmes déclinent et que cela pourrait à terme mettre en péril les économies mondiales. L’Agence environnementale d’Abou Dhabi, créée en 1996 pour devenir le plus grand organisme de réglementation environnementale du Moyen-Orient, est attentive à la situation.

Razan Al Mubarak a supervisé la préservation des tortues et la réintroduction d’Oryx au Tchad, une espèce en voie de disparition. Elle se bat pour la préservation de l’environnement aux Emirats pour les générations à venir.

Razan est la cheffe de l’Agence environnementale d’Abu Dhabi et aussi la directrice générale du Fonds de conservation des espèces Mohamed bin Zayed qui a soutenu plus de 2 000 projets dans 150 pays, pour un coût dépassant 19 millions de dollars.

ENTETIEN AVEC RAZAN AL MUBARAK

Rebecca McLaughlin-Eastham : Nous sommes ici entourées de mangroves, au cœur de ce qu’on appelle un “poumon vert”. C’est un atout pour les villes voisines comme Abu Dhabi et Dubaï. Pourquoi ?

Razan Al Mubarak : “D’une certain façon, c’est peut-être parce qu’il fait partie intégrante de l’identité culturelle qui est une véritable institution ici. Les mangroves qui entourent l‘île d’Abu Dhabi, ont en réalité été plantées il y a plus de 40 ans. Aujourd’hui, leurs capacités d’absorption sont énormes. Elles absorbent plus de 41 millions de tonnes de dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre, ce qui représente plus du double des émissions des secteurs pétrolier et gazier, c’est donc très important”.

Vous avez mentionné le développement urbain. Il y a beaucoup de constructions en cours dans les Emirats. C’est vital pour le développement de la société ici. Cependant, cela a un impact sur l’environnement. De quelle façon l’agence compte-t-elle limiter ces effets ?

Razan Al Mubarak : “L’une des positions fortes que l’agence de l’environnement défend est qu’elle a été établie au moment où les projets majeurs d’infrastructures ont été conçus puis bien sûr développés. La réglementation environnementale n’a pas été établie après ces développements mais en parallèle”.

Si l’on regarde la situation dans son ensemble, on constate que l’impact sur l’environnement de la faune est très important. Il y a le braconnage, le plastique qui polluent nos mers. Est-il trop tard ? La perspective de ne pas pouvoir combler notre retard est-elle si sombre ?

Razan Al Mubarak : “Pas sombre, mais quand-même alarmante. De nombreux rapports rédigés par des milliers de scientifiques indiquent que nous sommes confrontés à une sixième extinction. Si nous ne réagissons pas, nous risquons de perdre plus d’un million d’espèces dans les prochaines années. Nous devons investir dans le plus grand musée qui soit, et c’est la nature. La conservation et la préservation sont le reflet de notre humanité”.

Parlons de la surexploitation des stocks de poissons des Emirats, comme Hammour et Sheri. Parfois la pêche dépasse jusqu’à cinq fois leur limite d’exploitation durable. Où cela nous mène-t-il ? Peut-on revenir à des niveaux de durabilité ?

Razan Al Mubarak : “La conservation peut aussi être fructueuse. La protection des tortues marines est un bel exemple. Leur nombre est resté stable ces dix dernières années. Nous le constatons aussi avec le nombre de dugongs que nous abritons. Nous sommes en deuxième position après l’Australie. Cependant, d’un autre côté, nous constatons un déclin important dans le secteur de la pêche et cela peut être dû à un certain nombre de facteurs. La surpêche, bien sûr, est l’un d’entre eux, la destruction de l’habitat, mais aussi le changement climatique. On estime que dans certaines zones du Golfe la température a augmenté de six degrés au cours des deux dernières décennies. C’est trois fois plus que la moyenne mondiale”.

Je rebondis sur ce que vous avez dit concernant l’augmentation de la température des eaux du Golfe et les impacts du changement climatique. Il y a aussi l’acidification. Pouvez-vous nous donner des chiffres encourageants d’amélioration de la situation ?

Razan Al Mubarak : “Il en existe un certain nombre, au niveau local. Nous sommes en train d’accroître nos zones protégées de 15 % aujourd’hui à 30 % d’ici à 2030. Nous travaillons également à la diversification de notre bouquet énergétique. Nous envisageons une contribution de 50 % d‘énergies renouvelables à nos besoins énergétiques d’ici à 2050. Sur le plan international, bien sûr, les Émirats arabes unis jouent un rôle important en veillant à ce que le multilatéralisme et la coopération dans ce domaine soient et continuent d‘être importants”.

Comment pouvez-vous inciter les autres à agir ? Comment les amener à se préoccuper des causes environnementales que vous défendez ?

Razan Al Mubarak : “On est très souvent encouragés à éveiller les consciences. Mais si cela est important, je pense que ça ne suffit pas. En être conscient c’est important, mais cela doit évoluer vers la compréhension. Ce n’est que lorsque vous comprenez que vous pouvez changer vos habitudes. Et la meilleure façon de comprendre, c’est d’aller dans ces parcs naturels et d’observer la nature par soi-même”.

Votre Excellence, vous êtes en lice pour la présidence de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Si vous êtes élue, ce que nous espérons, vous deviendrez la première femme arabe à diriger cette organisation en 72 ans. Ma question est donc la suivante : que ferez-vous le premier jour de votre mandat ?

Razan Al Mubarak : Si je suis élue, je commencerai par écouter. Deuxièmement, j’essaierai d’apporter une approche plus équilibrée entre le programme de conservation et celui du changement climatique. Enfin, j’encouragerai la coopération entre les membres.

LA JORDANIE, UN COULOIR MIGRATOIRE VITAL

Il y a de nombreux facteurs qui mettent en danger la vie des oiseaux en voyage, lors de leur migration de leur habitat d‘été, en pays chauds à leur habitat d’hiver en pays froid. Rosie-Lyse Thomson a visité un corridor migratoire clé au Moyen- Orient.

Selon la Société royale jordanienne pour la protection des oiseaux, plus de 500 millions d’oiseaux traversent chaque année le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au printemps et à l’automne pour se reproduire et échapper à l’hiver. Située à la jonction de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, la Jordanie est sans égale dans le monde pour la migration des oiseaux. Cependant, cette migration peut être un moment dangereux du cycle de vie d’un oiseau. Les abattages illégaux, le développement industriel et le changement climatique menacent leur existence. Les chercheurs de l’organisation Birdlife International témoignent de changements chez les oiseaux migrateurs qui pourraient faire ressortir de nouvelles tendances. La hausse des températures et la perturbation des habitats entraînent la destruction des habitudes alimentaires des oiseaux ce qui amène beaucoup d’entre eux à commencer leur migration tôt ou à jeun, réduisant ainsi leurs chances de survie.

“Le changement climatique a un impact sur leur résistance aux changements. Partant de ce constat, nous devons penser notre développement en atténuant le changement climatique, en augmentant la part des énergies renouvelables par exemple”, explique Ibrahim Kadder, directeur régional Moyen-Orient pour BirdLife International.

Dans le cadre du plan du gouvernement jordanien visant à réduire de 20 % la consommation d‘énergie primaire d’ici à 2020, des parcs éoliens ont vu le jour dans la région montagneuse de Tafilah, au sud, qui est également l’une des principales voies de migration des oiseaux.

Pour sécuriser leur passage et assurer une production d‘énergie propre, un système de surveillance a été mis en place. Malik est ornithologue et repère les espèces menacées.

“Il y a des oiseaux migrateurs et des oiseaux résidents. Nous devons les connaître et savoir identifier les différentes espèces. Il faut aussi avoir notion des distances entre les localisations, les turbines, notre position et celle des oiseaux et savoir comment et à quel moment alerter pour stopper les turbines des parcs éoliens”, détaille Malik, observateur pour Ecoconsult.

Laith a conçu ce genre de technique de contrôle en s’appuyant sur des indications écossaises. Il a développé un système qui rend compte de la circulation intense des oiseaux.

“La Jordanie est l’un des principaux pays dans ce domaine et nous essayons de diffuser les enseignements que nous tirons au niveau régional, au Liban, à l’Arabie Saoudite et aux Emirats”, explique Laith El Moghrabi, directeur de recherche pour Ecoconsult.

Laith est convaincu que s’associer à des chercheurs d’autres pays est vital pour la protection des oiseaux dans le futur.

“Nous recueillons aussi des informations d’observateurs et de gens qui surveillent les oiseaux dans les Balkans, en Bulgarie, où certains de nos oiseaux ont été répertoriés. Il s’agit bien de nos oiseaux mais ils se reproduisent en réalité dans les Balkans alors qu’ils sont marqués dans notre région”, dit-il.

Dans La Réserve de biosphère de Dana, la plus grande réserve naturelle de Jordanie, Tarek, qui travaille pour le Société royale pour la conservation de la nature est fier des efforts de réhabilitation de son équipe et en particulier du sauvetage d’un Vautour moine blessé, une espèce en voie de disparition. Après une année de soins vétérinaires et l’installation d’un pisteur, l’oiseau de proie a été relâché et a pu continuer son voyage.

Aussi longtemps que le Royaume restera un couloir migratoire vital pour les oiseaux, les chercheurs s’efforceront de protéger autant d’espèces que possible, en espérant que le passage des oiseaux se fera en toute sécurité et que leur nombre continuera d’augmenter.

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