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Inspire Middle East

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A Abu Dhabi, le compositeur Jordi Savall fait revivre la musique ancienne

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Dans ce nouvel épisode d’Inspire Middle East, la musique est à l’honneur. Notre équipe a rencontré à Abu Dhabi le célèbre musicien et compositeur catalan Jordi Savall, connu pour avoir réinventé et réinterprété des morceaux de musique ancienne. Découvrez aussi comment la musique est utilisée dans les écoles du Yémen, pour atténuer les traumatismes des enfants, en ces temps de guerre.

Ce mois-ci, le Théâtre de la Fondation culturelle d’Abu Dhabi a accueilli le chef d’orchestre et musicien primé Jordi Savall. Né en Catalogne, il est, depuis les années 70, une figure incontournable de la musique européenne ancienne. Il aime particulièrement mélanger musique médiévale, baroque, classique et de la Renaissance.

A Abu Dhabi, il a proposé aux spectateur un voyage musical, à la découverte des racines arabes, de la culture et de la philosophie de la ville de Grenade, en Andalousie. Un concert assuré par les orchestres de Savall : La Capella Reial de Catalunya et Hesperion XXI.

Originaire d’Egypte, Sherine Tohamy joue du oud arabe classique, un luth en forme de poire, surnommé par certains “le roi des instruments”.

“Mon oud est un très bel instrument, parce que c’est le mien bien sûr. Je me sens très proche de lui, je le porte comme s’il s’agissait d’un bébé. Il est très proche de mon cœur, et c’est un instrument très sensible. Je peux exprimer beaucoup d‘émotion avec le oud”, explique la musicienne.

Depuis qu’il a fondé ses orchestres et chorales dans les années 70 et 80, Savall n’a cessé de ressusciter d’anciens manuscrits – généralement antérieurs au XVIIIe siècle – grâce à ce qu’il appelle une “ machine à remonter le temps musicale”. Il y ajoute de nouveaux éléments orchestraux, tout en restant fidèle au récit sur le plan historique.

Avant qu’il ne monte sur scène à Abu Dhabi, notre reporter Rebecca McLaughlin-Estham a rencontré le chef d’orchestre, pour évoquer sa passion de la musique ancienne et comprendre comment il la rend accessible à un public moderne.

Jordi Savall : “Nous ressentons les mêmes émotions que les gens de l‘époque”

Rebecca McLaughlin-Estham : Jordi Savall, bienvenue dans Inspire Middle East. Comment faites-vous pour réinventer des morceaux du passé, datant d’il y a plusieurs siècles ? Quelle est la recette magique pour rendre la musique ancienne pertinente aujourd’hui ?

Jordi Savall : Tout dépend de l‘époque, s’il s’agit d’une musique médiévale, de la renaissance ou baroque. Plus on s’approche de notre époque, plus on trouve des informations qui peuvent donner certains éléments concrets, comme la technique de l’archet, l’ornementation, la façon d’improviser, la façon de chanter. Il y a beaucoup d’informations de l’an 1500 à l‘époque romantique. Mais je pense que la chose la plus importante, c’est la musique, la vraie vie, l’histoire de vie unique des êtres humains. Quand nous jouons, nous ressentons les mêmes émotions que les gens de l‘époque.

J’aimerais en savoir plus sur vos orchestres. Vos musiciens ont des compétences uniques. Il peuvent tout jouer, de la musique médiévale à musique de la Renaissance, du Baroque au classique. Est-ce facile de trouver des musiciens de ce calibre ?

On n’oublie jamais un bon musicien. Il y a pleins d’occasions pour un musicien de jouer de la musique baroque, classique, de la renaissance, de la musique médiévale. J’ai aussi beaucoup de musiciens originaires de Turquie, de Syrie, de Grèce, du Maroc, du Mali et de Madagascar.

Votre dernier concert à Abu Dhabi est une lettre d’amour, une ode à Grenade et à l’Andalousie. Comment avez vous exploré l’histoire musicale arabe, mauresque de Grenade?

Le spectacle évoque l’histoire de Grenade et d’Al Andalus, de 1013, lorsque Grenade est devenue une ville musulmane, à l’an 1492, quand les troupes de Ferdinand et d’Isabella ont reconquis la ville. Et puis, nous combinons plusieurs moments de l’histoire de la ville : l’arrivée des Berbères, les Almoravides, et les différents royaumes de la ville. A chaque moment, nous mélangeons de la musique de tradition arabe avec de la musique médiévale espagnole de l‘époque.

Les questions sociales et humanitaires vous tiennent à cœur, tout comme la musique. Vous avez réussi à fusionner les deux. Parlez-moi de votre travail avec les réfugiés.

Quand il y a eu cette terrible situation avec les réfugiés à Calais et à Salonique, j’ai visité ces lieux avec certains de mes musiciens. Puis, nous avons travaillé ces trois dernières années. Nous avons sélectionné 30 bons musiciens, de différentes origines, et nous avons créé des Masterclasses, pour enseigner aux jeunes. Parce que ces cultures n’ont pas une tradition musicale écrite. Les transmissions de ces anciennes cultures se font par tradition orale. Tous les musiciens originaires du Kurdistan, de Syrie, de Bagdad, sont de véritables bibliothèques ambulantes. Je pense qu’il est important de donner une chance à cette belle musique, pour qu’elle soit transmise aux jeunes générations. Et de donner à ces réfugiés une chance de faire des concerts.

Pour finir, parlons de politique. Dans le passé, vous avez exprimé votre soutien au mouvement indépendantiste catalan. Quel votre point de vue sur l‘état actuel des choses ?

Je pense qu’aujourd’hui les cultures qui n’ont pas d‘État, qui n’ont pas de présence politique dans le monde, ont beaucoup moins de chances de survivre. Je pense qu’aujourd’hui il faut trouver une solution qui permette à la culture catalane et à la culture espagnole de trouver la voie du vivre ensemble, dans le respect de l’autre.

Au Yémen, la thérapie par la musique

Des enfants qui courent dans les couloirs et une salle de classe remplie .. Une scène loin d‘être banale au Yémen, un pays déchiré par la guerre. Selon l’UNICEF, sur les 7 millions d’enfants en âge d’aller à l‘école, 2 millions ne se rendent pas en classe, et une école sur 5 ne peut plus être utilisée, à cause du conflit en cours.

Mais dans la ville de Taez, au sud-ouest du pays, un établissement a trouvé une façon originale de surmonter les difficultés.

L‘école a dû fermer il y a environ 4 ans, à la suite d’une frappe aérienne. “L‘état psychologique des élèves était très fragile à la réouverture, après tous les bombardements et les combats”, se souvent le principal de l‘école, Shehabeddine al-Sharabi.

Alors, à sa réouverture, l‘équipe pédagogique de l‘établissement a décidé de faire des cours de musique un élément essentiel du programme scolaire, espérant qu’ils puissent soulager un peu les enfants de la communauté.

Selon certaines études, l‘éducation musicale aiderait à réduire les effets psychologiques négatifs de la guerre chez les enfants, qu’il s’agisse de dépression, de problèmes de développement de la mémoire ou de comportements perturbateurs, qui peuvent se manifester jusqu‘à l‘âge adulte.

Après la guerre au Kosovo, l’Association Américaine de Psychologie a réalisé une étude sur des écoliers, ayant participé à un programme musical. Ils ont découvert que la santé cognitive et comportementale des enfants s‘était améliorée et que, grâce à la musique, ils se concentraient et apprenaient plus facilement.

Selon l’enseignante Abir al-Sharabi, les enfants ont également plus de facilités à exprimer leurs émotions : “C’est une aide pour leur bien être et pour leur vie, en ces temps de guerre. Ils peuvent exprimer la souffrance qu’ils ont au fond d’eux, en chantant.”

Pour que ces leçons de musique deviennent réalité, les instruments ont été empruntés à une université voisine. Les professeurs proposent un répertoire de chansons classique de la musique arabe, comme Fairuz et Umm Kulthum, mais aussi, des airs en anglais – offrant ainsi de nouvelles compétence aux élèves, comme Nazira al-Jaafari : “J’apprend ABC, I am a Yemeni et Happy Birthday to you. Quand je suis triste ou que je me sens mal, je joue de la musique”

Alors que Nazira a trouvé sa vocation en jouant du piano, de nombreux élèves ont eux trouvé l’inspiration en chantant. Ces jeunes Yéménites sont le futur du pays, et leur professeurs espèrent que la musique les aidera à trouver leur voie.

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