Tunisie
Le Parlement tunisien n’a pas accordé sa confiance au gouvernement proposé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, relançant les négociations laborieuses pour trouver un cabinet, trois mois après les élections.
Mis à jour à 9h GMT
Au terme d’une longue journée de débats, et de négociations jusqu‘à la dernière minute dans les couloirs du Parlement, seuls 72 députés sur 219 ont approuvé le gouvernement, très loin de la majorité de 109 requise.
Il revient désormais au président Kaïs Saied, un universitaire farouchement indépendant et très critique du système parlementaire, de désigner un autre futur Premier ministre susceptible de convaincre les députés.
Selon la Constitution, M. Saied a un délai de 10 jours pour engager des consultations afin de trouver “la personnalité jugée la plus apte de former un gouvernement dans un délai maximum d’un mois”.
Ce vote est un constat d‘échec pour Ennahdha, qui a été directement ou indirectement au pouvoir une bonne partie des neuf dernières années, et ce rebondissement risque de retarder les réformes attendues pour relancer une économie en berne.
Le Parlement issu du scrutin législatif du 6 octobre, est composé d’une multitude de partis antagonistes. Ennahdha ne détient que 54 sièges sur 217, bien qu’il en soit le principal parti, et les négociations laborieuses entre les partis pour former une coalition gouvernementale avaient échoué.
Habib Jemli, choisi le 15 novembre par Ennahdha pour former le gouvernement, avait donc décidé de constituer un cabinet de personnalités “indépendantes”, choisies “sur la base de la compétence, l’intégrité (…) et leur capacité à la concrétisation”.
Mais le gouvernement fourni et disparate qu’il a dévoilé le 2 janvier a rapidement été critiqué comme n‘étant ni clairement partisan, ni réellement indépendant.
“Réserves”
Illustrant les difficultés pour la classe politique divisée à constituer un gouvernement fort et consensuel, Ennahdha avait admis jeudi soir avoir des “réserves” concernant l‘équipe présentée par son candidat.
L‘élue anti-islamiste Abir Moussi avait de son côté asséné: “Nous n’allons pas accorder notre confiance à un gouvernement d’Ennahdha et des Frères musulmans”. Et d’autres députés mettaient en cause la compétence de certains ministres.
Qalb Tounes, deuxième force au Parlement avec 38 sièges et parti du patron de télévision Nabil Karoui – candidat battu à l‘élection présidentielle – a déploré le manque d’indépendance et de programme du cabinet proposé.
Des observateurs et membres de la société civile avaient fustigé la nomination de magistrats considérés comme pro-Ennahdha à la tête des ministères régaliens, tels que la Justice et l’Intérieur.
Le président Saied, très largement élu en octobre, n’a pas d’allié naturel dans l’hémicycle, et peu de choses laissent imaginer les alliances envisageables pour constituer une nouvelle coalition gouvernementale.
Peu après le vote, des députés assurant représenter plusieurs blocs importants, dont Qalb Tounes, ont annoncé avoir constitué un front qu’ils présenteraient au président dans l’espoir que ce dernier leur confie la tâche de constituer le prochain exécutif.
Si le candidat choisi par M. Saied échouait à son tour à former un gouvernement, l’heure serait alors à la dissolution de l’Assemblée, au risque de retarder encore les mesures nécessaires pour juguler l’inflation et le chômage pesant sur les ménages tunisiens.
Tunis a contracté en 2016 auprès du Fonds monétaire international (FMI) un programme prévoyant 2,6 milliards d’euros en contrepartie de vastes réformes, dont certaines sont contestées. Mais en raison de retards accumulés, le pays n’a touché jusque là que 1,4 milliards d’euros sur ces prêts, alors que le programme s’achève en avril et que les premiers remboursements sont dus en novembre cette année.
A l’approche du neuvième anniversaire mardi de la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, des mobilisations ont eu lieu notamment dans des zones marginalisées de l’intérieur du pays. Et la puissante centrale syndicale UGTT prévoit une manifestation mardi à Tunis.
AFP
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