Inspire middle east
Cette semaine, Rebecca McLaughlin-Eastham a interviewé le fondateur du site de vente en ligne Souq.com, récemment racheté par Amazon. Salim Essaid s’est lui penché sur la très controversée cryptomonnaie de Facebook, Libra.
Le site de vente a été Souq.com a été créé en 2005. Son fondateur Ronaldo Mouchawar rêvait de devenir basketteur professionnel lorsqu’il était enfant. Mais il a finalement suivi les traces de son père, qui était marchand. C’est d’ailleurs ce dernier qui a inspiré le nom de l’entreprise, Souq, qui signifie marché en arabe.
Ronaldo n’a cessé de faire grandir l’entreprise pendant 13 ans, ajoutant des millions de produits, de l‘électronique à la mode en passant par des articles de maison. Le site est finalement devenu le plus grand détaillant en ligne du monde arabe. 2017 fut une année décisive : le géant américain Amazon a racheté Souq pour 580 millions de dollars : Amazon.ae était né.
Aujourd’hui, près de 30 millions de produits sont disponibles en ligne, dont près de 10 millions proviennent des Etats-Unis. Le site affiche près de 45 millions de visites tous les mois. Selon le ministère de l’Economie des Émirats Arabes Unis (EAU), le e-commerce représente seulement 10% des ventes totales dans le pays. Les habitants de la région ont traditionnellement l’habitude de faire leur shopping dans de gigantesques centre-commerciaux.
Mais ces habitudes pourraient changer. Selon une étude de Fitch Solutions, le secteur du e-commerce dans la région connaît la croissance la plus rapide au monde. Les ventes en lignes devraient doubler, pour atteindre 49 milliards de dollars en 2021.
Pour comprendre ce que prévoit Amazon après le rachat de Souq, l‘équipe d’Inspire Middle East s’est rendue au siège de l’entreprise aux EAU, pour rencontrer Ronaldo Mouchawar, aujourd’hui vice-président d’Amazon.ae.
Interview de Ronaldo Mouchawar, fondateur de Souq.com
Rebecca McLaughlin-Eastham, Euronews : Tout d’abord, pouvez-vous me dire ce qui vous a poussé à vendre Souq.com ?
Ronaldo Mouchawar, vice-président d’Amazon pour la région MENA : Nous voulions faire partie de quelque chose de plus global, et Amazon et Souq faisaient la même chose. Ils ont le même ADN en terme de technologie, c’est-à-dire, d’utiliser la technologie pour franchir les barrières. Amazon s’intéressait à la région, et Souq avait beaucoup d’ingrédients qui correspondaient à l’entreprise.
Mais pour toute fusion, acquisition, rapprochement, il y a des synergies, des intégrations qui doivent avoir lieu. Ce n’est pas toujours une transition en douceur. Comment cela s’est-il passé pour vous ?
Ronaldo Mouchawar : Nous avons lancé Amazon.ae en mai, c‘était donc une sorte de feuille de route pour intégrer les deux technologies et les faire fonctionner dans la région. Nous avons fait certaines choses différemment : notre adresse, nos structures, le paiement à la livraison, les types de produits. La langue aussi, car on parle arabe ici et Amazon ne proposait pas cette langue.
J’aimerais que l’on s’attarde sur le modèle économique, sur la psychologie des consommateurs, surtout ici aux Émirats, qui sont très exigeants. Ils veulent certains produits de niche, immédiatement, en cash… Quelles sont les différences avec les consommateurs des autres marchés ?
Ronaldo Mouchawar : Les consommateurs dans cette partie du monde sont très connectés, et comme vous l’avez dit, ils sont très exigeants. Ce qui a en quelque sorte empêché le commerce en ligne de se développer ou, du moins, qui a ralenti sa croissance au début, c’est le choix des produits, car le e-commerce ne représente encore qu’une très faible part du commerce total. Mais nous voyons que les consommateurs changent leur façon d’acheter en ligne, et désormais, la vitesse et les produits sont la clé. Nous avons encore beaucoup à faire pour améliorer notre offre et notre vitesse de livraison.
En parlant de vitesse, l’utilisation de drones est sûrement la manière la plus rapide d’effectuer les livraisons. On en parle depuis 2015, mais où vous situez-vous par rapport à cela ?
Ronaldo Mouchawar : C’est la région, par sa géographie, où l’environnement est le plus adapté. À ce stade aux Émirats Arabes Unis, nous nous concentrons plus sur la rapidité des livraisons standards, mais nous continuons à nous intéresser à cette innovation, pour voir quel rôle elle peut jouer. Nous y voyons beaucoup d’avantages, pour les régions isolées par exemple, où les drones pourraient nous aider dans nos livraisons. Mais d’abord, nous nous concentrons sur les véhicules à économie d‘énergie.
Parlez-moi de l’origine de vos produits. La Corée a dépassé le Japon, la Chine et même l’Europe en nombre de fournisseurs.
Ronaldo Mouchawar : Les produits proviennent de l’Ouest, car de nombreux clients dans cette partie du monde aiment les marques occidentales. Beaucoup de clients apprécient également les produits de l’Orient, notamment d’Inde.
Nous avons mis en place une route commerciale. Les vendeurs indiens peuvent venir aux EAU pour faire des affaires, nous les aidons avec la logistique, la distribution, et pour passer leur site en arabe, afin que les clients d’ici puissent interagir avec leurs marques.
Il s’agit donc non seulement d’une façon d’introduire des produits dans la région, mais ça apporte également des opportunités pour nos marchés, comme l‘Égypte et l’Arabie saoudite, où nous avons une solide base manufacturière. L’Egypte est notamment connue pour son textile et son coton.
L’année a été assez mouvementée en terme de dépenses de consommation à travers le monde. Compte tenu de la situation économique et régionale, comment vont les affaires ?
Ronaldo Mouchawar : La chose positive avec notre commerce, c’est qu’il touche des clients jeunes. La moitié des habitants dans cette partie du monde a moins de 25 ans. Ces consommateurs sont très portés sur la technologie, ils font beaucoup de choses avec leur téléphone. Beaucoup de clients arrivent d’ailleurs sur le site avec leur téléphone, et notre application est de plus en plus utilisée. C’est là que la croissance se trouve. Évidemment, en période de restriction économique, les gens font plus attention à leurs dépenses, aux choix qui leur sont proposés, parfois, ils ne souhaitent pas payer plus. Les jeunes consommateurs sont impatients, ils nous poussent à nous améliorer. Je me souviens quand on a lancé Souq, la livraison prenait 5 à 7 jours, puis c’est passé à 3 à 5 jours, puis à 1 ou 2 jours. Maintenant, ça arrive le lendemain.
Mettons les affaires de côté et parlons de vous. L’une de vos plus grandes passions est le Basketball, et s’il y a un endroit que vous aimez autant que les salles de réunion, ce sont les terrains de basket. Existe-t-il des qualités, des règles ou des engagements transférables d’un secteur à l’autre ?
Ronaldo Mouchawar : Parfois, j‘évoque le basket lors de mes réunions. Je crois à l’idée que nous sommes une équipe. Au basket, on joue l’attaque et la défense, c’est l’un des seuls sports où l’on doit avoir plusieurs casquettes. C’est un sport d‘équipe, donc même si vous avez des stars, vous devez être sûr d’avoir un bon mélange pour l‘équipe. Et on ne gagne pas tout le temps. D’ailleurs, vous ratez plus de coups que vous n’en gagnez dans la plupart des matchs. Donc je pense que c’est comme ça : on perd, on apprend, on oublie, on revient sur le terrain, on s’entraîne, on se prépare, on fait des plans. Ces choses-là ressortent dans les réunions. C’est peut-être comme ça que je dirige certaines équipes. Et je pense que c’est une bonne chose d’avoir des gens capables de faire plusieurs choses pour avancer.
Libra, la cryptomonnaie de Facebook controversée
Depuis que Facebook a annoncé son intention de créer une cryptomonnaie mondiale plus tôt cette année, l’idée s’est heurtée à plusieurs obstacles.
Devant les membres du congrès américain en octobre, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a défendu son projet, nommé Libra et prévu pour 2020. Une proposition très critiquée par les Etats-Unis, notamment pour des questions réglementaires. La France et l’Allemagne se sont même engagées à bloquer Libra, avant que des partenaires comme Visa, Mastercard et E-Bay le laissent également tomber. Mais pourquoi ?
Tout a commencé en juin dernier, lorsqu’une association indépendante appelée Libra, composée d’associations comme Mercy Corps, ou de compagnies de VTC comme Lyft et Uber, a annoncé la création d’une cryptomonnaie mondiale, sous la direction de Facebook.
Première différence par rapport aux actifs numériques traditionnels : pas besoin de compte bancaire pour utiliser Libra. Cela permettrait aux utilisateurs, notamment dans les pays en développement, d‘échanger de l’argent en ligne sans restrictions. Un marché au potentiel énorme : selon la Banque mondiale, près de 1,7 milliards d’adultes n’avaient pas de compte bancaire en 2017.
Seconde différence : il sera possible d’envoyer et de recevoir de l’argent via les applications de messagerie Whastapp et Facebook Messenger. N’importe qui possédant un compte Facebook pourrait utiliser Libra.
Une révolution, selon les experts, comme Naeem Aslam, analyste en chef chez Thinkmarket : “Facebook possède une énorme base de donnée, une telle chose n’a jamais été testé à cette échelle. Pour que les gens adoptent cela massivement, il faut d’abord une large base de données d’utilisateurs.”
On estime qu’un tiers de la population mondiale utilise Facebook. En 2018, les législateurs américains ont accusé le réseau social de pratiques commerciales trompeuses, lorsqu’en 2016, Cambridge Analytica a utilisé les informations personnelles de millions d’utilisateurs pour influencer leurs intentions de vote lors de l‘élection présidentielle américaine.
“Je sais que je ne suis pas le messager idéal aujourd’hui, a déclaré Mark Zuckerberg lors de son audition au Congrès américain. Nous avons été confrontés à beaucoup de problèmes ces derniers temps, et je suis sûr que beaucoup de gens auraient aimé que ce soit une autre entreprise que Facebook qui propose cela.”
Un impact sur de nombreux emplois
Certains estiment toutefois qu’il ne faut pas craindre Libra, et que les banques devront s’adapter à ces dernières évolutions. Selon eux, les marchés émergents, comme le Moyen-Orient, seront une clé du succès. Selon la Banque mondiale, les envois de fonds totaux ont atteint un niveau record de 529 milliards de dollars l’an dernier. Aux EAU, deuxième émetteur mondial de transferts de fonds, les travailleurs ont rapatrié 46 milliards de dollars en 2018.
Marizen Taguinod, originaire des Philippines, a ouvert l’an dernier un salon de coiffure à Dubaï. Elle transfert régulièrement de l’argent, avec la trésorerie de son entreprise.
“J’envoie de l’argent à ma mère et à ma sœur, et elle m’en envoie aussi, car c’est ma partenaire dans l’entreprise, raconte-t-elle. C’est comme ça qu’on fait, et c’est très important.”
Libra a pour objectif de faciliter la gestion des commerces pour les personnes comme Marizen. Toutefois, pour ceux qui travaillent dans le secteur des transferts de fonds, comme Al Ghurair Exchange, qui compte environ 25 succursales aux Émirats Arabes Unis, c’est une autre histoire.
L’entreprise traite environ 40 milliards de transactions par an, facturant jusqu‘à cinq dollars pour chacune d’elles. Tout cela pourrait changer avec Libra, comme l’explique Deepak Bulchandani, directeur de banque : “Mon secteur va être durement touché, on pourrait être complètement remplacés. Donc cela impactera évidemment de nombreux emplois. Dans cette partie du monde, 5% de la main-d’oeuvre travaille dans la bourse et les banques.”
Si Zuckerberg assure que son idée pourrait aider financièrement des millions de personnes, Libra, qui est vivement critiqué par les législateurs, pourrait également entraîner des licenciements dans le secteur du transfert de fonds. Le chemin pourrait encore être long avant le lancement de la cryptomonnaie.
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