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Sénégal : les manifestations étudiantes font écho à celles de mai 1968

Sénégal : les manifestations étudiantes font écho à celles de mai 1968

Sénégal

Les manifestations qui agitent les campus du Sénégal depuis la mort d’un étudiant de Saint-Louis le 15 mai font écho aux mouvements étudiants de mai-juin 1968 à Dakar, qui avaient fait vaciller le pouvoir du président Léopold Sédar Senghor.

Plus de deux semaines après le décès de Mouhamadou Fallou Sène, 25 ans, tué par la balle d’un gendarme, les étudiants l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis (nord) poursuivent leur mouvement de grève pour “réclamer justice” et la démission de plusieurs ministres, ont-ils annoncé vendredi.

Le président Macky Sall, probable candidat à un second mandat lors de la présidentielle de février 2019, a lâché du lest en annonçant une augmentation des bourses. À Dakar, contrairement à Saint-Louis, le mot d’ordre de grève a été levé.

En 2018, comme il y a 50 ans, c’est pour réclamer des bourses d’un niveau suffisant que les étudiants sont descendus dans la rue, affrontant les forces de l’ordre à coups de pavés et dressant des barricades.

En 1968, dans un contexte international d’opposition à la guerre du Viêtnam et à l’apartheid, les étudiants de Dakar accusent Senghor, au pouvoir depuis l’indépendance en 1960, d‘être un “valet de l’impérialisme”.

Ils entrent en grève le 27 mai 68. Deux jours plus tard, les forces de l’ordre interviennent, faisant un mort et de nombreux blessés sur le campus, selon un bilan officiel.

“Loin d‘être une simple excroissance du mouvement étudiant européen, ces évènements furent provoqués par une crise politique, économique et sociale interne au Sénégal”, explique l’historien et ancien ministre Abdoulaye Bathily.

Soutien des forces vives

Le 30 mai 1968, la principale centrale des travailleurs lance à son tour un mot d’ordre de grève. À ce moment, “le pouvoir était chancelant”, affirme l’historien Omar Guèye.

Senghor stigmatise “l’influence étrangère” et les étudiants du Sénégal qui “singent ceux de Paris”.

Dakar vit trois journées de “braise”, qui culminent avec la fermeture totale de l’université le 31 mai. Les étudiants étrangers sont renvoyés dans leur pays.

Le “président-poète” peut compter sur le soutien de l’armée, des marabouts musulmans, très influents, et de l’armée française, qui occupe des points stratégiques de la capitale.

“Des paysans sont venus avec des sagaies et des flèches pour défendre Senghor et le pays”, raconte l’universitaire sénégalais Ibrahima Wone.
La grève des travailleurs ne dure finalement que deux jours et une normalisation progressive, avec le retour des étudiants étrangers, débouche sur des examens en décembre.

Le bis repetita

Mai-68 a “contribué à développer la démocratie”, relève Mbaye Diack, qui dirigeait à l‘époque l’Union des étudiants sénégalais (UDES).

Dans les années qui suivent, le Sénégal passe d’un régime de parti unique de fait, à un multipartisme limité à quatre courants en 1974, puis, sous la pression continue des partis de gauche, dont beaucoup étaient interdits, et des syndicats, au multipartisme intégral à l’arrivée d’Abdou Diouf, qui succède à Senghor le 1er janvier 1981.

Cinquante ans plus tard, “le monde universitaire rencontre les mêmes problèmes. Les étudiants et les activistes reprochent à Macky Sall ce que les étudiants de 68 reprochaient à Senghor”, relevait lors d’un débat la semaine dernière à l’Institut français de Dakar le musicien hip-hop et doctorant en Lettres Youssoufa Sarr.

“Il y a beaucoup de mouvements pour que la France dégage et contre le franc CFA”, souligne l’historien Babacar Fall, en évoquant la forte présence d’entreprises françaises.

Malgré plusieurs mouvements sociaux depuis le début de l’année, le monde syndical n’a cette fois pas embrayé, d’autant moins que le pays tourne au ralenti en plein mois de Ramadan, que l’opposition est divisée et ses manifestations réprimées sans ménagement.

Quant à la société sénégalaise, toujours conservatrice, elle a pris comme ailleurs un tournant individualiste. “Le rêve qui animait cet esprit soixante-huitard est en berne. On ne fait plus de la politique pour transformer le monde, mais pour transformer son monde à soi, sa vie personnelle”, explique un journaliste sénégalais, Vieux Savané.

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