Nigéria
Ce sont plus de 1.000 personnes, toutes des civils, déplacées par la vague meurtrière de la secte islamiste dans le nord-est du Nigeria, qui ont effectué leur retour à Bama. Un retour qui se fait quatre ans après l’attaque des hommes du tristement célèbre Abubakar Shekau, qui ont pratiquement rasé la ville. Le retour de ces déplacés se fait dans le contexte d’un programme titanesque, celui de la reconstruction de la ville et du retour de ses habitants.
Selon Mohammed Bulama, le ministre de l’Information de l’Etat de Borno, 1.200 personnes ont été appelées dans la ville de Bama, afin de rendre effectif le “retour progressif des habitants de la ville qui avaient fui après l’invasion de Boko Haram en 2014”. Le ministre a aussi ajouté : “nous voulons faire revenir plus de 100.000 personnes à Bama dans les mois à venir.“
Le tout, dans le cadre de ce programme de “reconstruction, réinstallation et réhabilitation”. L’organisateur de ce programme d’envergure n‘étant autre que l’Etat de Borno (le plus meurtri par la secte islamiste), point de départ de la campagne dévastatrice de Boko Haram en 2009.
Comme mesures d’accompagnement immédiates, les autorités de Borno ont remis à chaque ‘‘retourné’‘ un sac de riz, un sac de mil et la somme de 22,7 euros. Ce qui est sensé leur permettre de “démarrer une nouvelle vie”, explique Umar Bukar, lui aussi déplacé. Mais auparavant, tous ont été minutieusement contrôlés par les soldats de l’armée nigériane, avant leur voyage à bord de camions, escortés par l’armée. Direction : Bama.
C’est en septembre 2014 que les enfers se sont déchaînés sur Bama, ville stratégique qui faisait office de carrefour commercial. La ville, située à la frontière avec le Cameroun, est la deuxième de l’Etat de Borno. Sa population est estimée à environ 270.000 âmes.
La vie improbable dans les camps de déplacés
La majorité des habitants de Bama avait fui la ville du fait de l’attaque de la secte islamiste, se retrouvant à Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno. Ces déplacés ont dû vivre dans des camps souvent surpeuplés et fortement dépendant de l’aide humanitaire internationale. Les plus chanceux d’entre eux ont été accueillis par des habitants de Maiduguri, évitant ainsi les camps où régnait la misère, l’insalubrité et la promiscuité.
Kulo Gana, un autre déplacé de Bama dont la maison est en ruines, témoigne : “la vie dans les camps est difficile, avec peu de nourriture, peu d’eau et des sanitaires insuffisants. Aucun d’entre nous ne resterait si nous avions le choix.“
En septembre 2017, la colère gagnait le cœur d’environ 3.000 déplacés, lassés de devoir vivre avec les pénuries alimentaires et autres conditions de vie plus que précaires des camps de déplacés. Ils ont fini par manifester leur ras-le-bol à Maiduguri à travers des marches de protestation, exigeant de renter chez eux, à Bama. Un mois avant, soit en octobre, ces sinistrés étaient victimes d’une épidémie de choléra dans ces mêmes camps de déplacés, qui emportait dans son sinistre passage 50 personnes, majoritairement des enfants.
L’armée nigériane a mené une campagne de reconquête de Bama, qui s’est soldée par la débâcle des fondamentalistes en mars 2015. Mais, même après la reprise de la ville par les soldats Nigérians, les habitants de Bama ne se sentaient pas enthousiastes pour un retour au bercail. L’insécurité et les désastres causés par les hommes de Shekau avaient vite fait de dissuader les candidats au retour.
Une ville quasiment ramenée à l‘Âge de pierre
Bama a été détruite à 85% par les terroristes de Boko Haram. La secte islamiste, dans sa volonté de répandre sa folie meurtrière, avait mis le feu aux habitations et laissé un grand nombre de cadavres dans les rues, comme pour marquer son ‘‘territoir’‘ de la façon la plus macabre qui soit, avant de quitter les lieux.
Si l’on considère les pertes à l‘échelle de l’Etat de Borno, ce sont environ un million de foyers qui ont été ravagés. Ce qui donne environ 30% des foyers de tout l’Etat, aux dires de la Banque mondiale. Les fondamentalistes n’y sont pas allés de main morte. Plus de 500 écoles primaires, à peu près 40 collèges, 200 hôpitaux, cliniques et dispensaires ont subi leur furia.
Selon les autorités de Borno, il faudra jusqu‘à 49 millions d’euros pour espérer redonner à Bama un visage digne d’une ville. Cette somme paraît aux antipodes des réalités de la région, déjà ravagée par une pauvreté qui semble ne pas vouloir la lâcher d’un pouce. Cela, avant même l’arrivée cauchemardesque des islamistes à la gâchette facile.
D’après Abba Jato Mohammed, le président du comité de transition et de relogement de Borno, 11.000 foyers ont déjà été reconstruits. Pour leur part, les habitants de Bama restent dubitatifs face au chantier qui lui, s’annonce pharaonique. Jato Mohammed est lui-même obligé de reconnaître l’immensité de la tâche, avouant que “vu le rythme des travaux, il faudra des années pour reconstruire chaque maison et nous ne pouvons pas attendre si longtemps. Nous serions prêts à retourner à Bama (il est lui-même resté à Maiduguri) et à reconstruire nos propres maisons, si le gouvernement nous le permettait”.
L’ombre de l’insécurité plane toujours sur la région, en dépit des convois sécurisés par l’armée, qui protège les camions transportant les déplacés de Maiduguri à Bama. “Nous avons tous laissé nos familles à Maiduguri (…) en attendant de voir si la situation est suffisamment sûre pour les faire venir. Personne n’ose encore s’aventurer en brousse et la peur règne à la nuit tombée. Nous restons à l’intérieur sitôt qu’il fait noir”, affirme Umar Bukar.
Le gouvernement nigérian a annoncé des pourparlers avec la secte d’Aboubakar Shekau. Mais Boko Haram ne semble pas vouloir se mettre à jour, tuant au mois 20 personnes et en blessant plus de 80 autres le wek-end dernier. Les méthodes utilisées étant toujours les mêmes : attentats-suicides et attaques armées, non loin de Maiduguri.
C’est le nord du Nigeria qui paie le plus lourd tribut de la volonté maladive de Boko Haram d’islamiser coûte que coûte la région, voire, le pays tout entier. Depuis sa création en 2009, le groupe djihadiste a fait au moins 20.000 morts et déplacé plus de 2 millions 600 mille personnes, rien qu’au Nigeria. Boko Haram est de même actif au Cameroun voisin, mais aussi au Tchad et au Niger.
Jusqu‘à ce jour, toutes les tentatives pour capturer ou tuer Abubakar Shekau se sont soldées par des échecs.
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