Sierra Leone
L’incertitude prévalait dimanche au sujet de la tenue mardi du second tour de la présidentielle en Sierra Leone en raison de l’arrêt des préparatifs du processus électoral dans ce pays très pauvre et corrompu, ordonné samedi par la Haute cour à la Commission électorale nationale (NEC).
A la suite d’une requête d’un juriste du parti au pouvoir concernant des allégations de fraudes, l’arrêt a ordonné à la NEC de stopper ses travaux jusqu‘à “la décision” de la Haute cour, qui interviendra au plus tard lundi, à la veille du second tour.
Le juriste Ibrahim Sorie Koroma, membre du parti au pouvoir All Peoples’ Congress (APC), estime dans sa requête que des accusations de fraudes électorales doivent faire l’objet d’une enquête avant que le processus électoral ne se poursuive.
Quelque 3,1 millions d‘électeurs sont appelés à choisir le successeur du président Ernest Bai Koroma, qui ne pouvait plus se représenter après plus de 10 ans au pouvoir.
Le candidat du principal parti d’opposition, le SLPP, l’ancien général Julius Maada Bio, battu par M. Koroma en 2012, espère tenir sa revanche. Il part avec une courte avance sur Samura Kamara, économiste de formation, ancien ministre des Affaires étrangères et homme lige du président sortant, avec 43,3% des suffrages contre 42,7 %, au premier tour le 7 mars.
“Je me réjouis que la justice s’assure que la NEC mette au clair les décalages et irrégularités de l‘élection du 7 mars avant le second tour”, a affirmé à l’AFP Samura Kamara.
Le SLPP, lui, voit dans l’arrêt des préparatifs comme “un stratagème délibéré du président Ernest Koroma pour prolonger illégalement son mandat”. “Tout indique que le président Koroma (…) ne rendra pas le pouvoir sans implication de la communauté internationale”, a-t-il estimé dans un communiqué.
Le bilan de l’administration Koroma est contrasté.
Si elle a réussi à attirer les investisseurs pour reconstruire le pays, dévasté par la guerre civile (1991-2002) qui a fait quelque 120.000 morts, l‘économie reste fragile après les chocs de l‘épidémie d’Ebola en 2014-2016 et de la chute des cours mondiaux des matières premières. Et la corruption a continué à prospérer.
Les missions d’observateurs étrangers et de la société civile, notamment celle de l’Union européenne, avaient salué le bon déroulement du scrutin, qui combinait élections présidentielle, législatives et locales, marqué par une participation atteignant le niveau exceptionnel de plus de 84%.
Commission électorale sous pression
La campagne pour le second tour, qui s’achève dimanche, semble repartie sur les bases de la fin de celle du premier, avec un recours de plus en plus manifeste à la carte régionale et ethnique, selon les analystes.
Les principaux partis ont également mis la pression sur la Commission électorale nationale, faisant état d’irrégularités dans le processus.
Une controverse a également opposé la NEC à la police, la Commission électorale reprochant à celle-ci d’avoir pénétré la semaine dernière à plusieurs reprises “sans justification” dans ses locaux et d’avoir ainsi “intimidé” des membres de son personnel. La police a répliqué qu’elle ne faisait qu’enquêter sur quelque 200 incidents liés aux élections, dont certains impliquant des membres de la NEC, selon elle.
Mais le représentant pour l’Afrique de l’Ouest du secrétaire général de l’ONU, Mohamed Ibn Chambas, a souligné que la Commission électorale avait dû relever le “défi exceptionnel de remplir ses obligations constitutionnelles dans un délai très court”.
Il a appelé “toutes les parties à la retenue et à ne pas s’ingérer dans les activités de la NEC ou compromettre son indépendance et son intégrité”.
En l’absence de sondages crédibles, tout pronostic sur le vainqueur s’annonce hasardeux. L’issue est d’autant plus incertaine que si l’opposition a viré en tête à la présidentielle, l’APC frôle la majorité absolue à l’Assemblée nationale, selon les résultats des législatives, 7 des 132 sièges restant encore à attribuer à l’issue de recomptes et d’une annulation.
En outre, les deux nouveaux partis arrivés respectivement deuxième et troisième, cumulant à eux deux près de 10 % des suffrage, soit une réserve de voix décisive pour les deux protagonistes, n’ont pas donné de consigne de vote.
Respectivement formés par d’anciens dirigeants de l’APC et du SLPP, la Grande coalition nationale (NGC), et la Coalition pour le Changement (C4C) ont échoué à bousculer le monopole des deux partis qui se succèdent au pouvoir depuis l’indépendance en 1961 de cette ancienne colonie britannique.
AFP
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