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Au Soudan du Sud, qui pour acheter au marché ?

Au Soudan du Sud, qui pour acheter au marché ?

Sud-Soudan

“Je vends la petite bouteille d’huile à 140 livres. Il y a six mois, c‘était 70. Les clients se plaignent, disent que c’est trop cher”. James Deng, 18 ans et le sourire facile, tient un stand sur le marché d’Aweil, dans le nord-ouest du Soudan du Sud.

Là, comme au grand marché de Konyokonyo dans le centre de la capitale Juba, à 800 km plus au sud, les prix des denrées de première nécessité ont flambé, conséquence directe de la guerre civile quasi ininterrompue depuis décembre 2103.

La livre sud-soudanaise (SSP) s’est effondrée: de 18,5 livres pour un dollar en décembre 2015, le taux actuel au marché noir à Juba oscille à présent autour de 140 livres pour un dollar. L’inflation, elle, a atteint des niveaux record: +730% en août 2016 comparé à août 2015, selon la Banque mondiale.

Adam Oumar, petit commerçant à Aweil, vend ses oignons rouges 500 SSP par “malua”, un récipient en fer servant d’unité de mesure et contenant environ 4 kilos. Il y a six mois à peine, il en coûtait 70 livres.

“C’est devenu très cher et les gens ne peuvent pas se le permettre, alors ils achètent de petites quantités”, explique-t-il, debout devant un étal bien achalandé, comme celui de ses voisins.

A Konyokonyo, en ce samedi du début du mois de juin, un jour de forte affluence habituellement, les rares clients circulent facilement dans un dédale d’allées clairsemées, au milieu des échoppes consacrées aux produits ménagers et des stands de vêtements, tenus essentiellement par des commerçants soudanais. Plus loin, des marchandes ougandaises s’occupent des étals de légumes.

Institutrice de 46 ans dans une école publique de Juba, Kamala, panier de provision à la main, rumine sa colère.

“Je suis venue aujourd’hui avec 6.000 livres mais regardez! Le panier n’est même pas rempli et ça m’a coûté les 6.000 livres. J’ai reçu mon dernier salaire en janvier mais rien en février, rien en mars, ni en avril, ni en mai et nous sommes maintenant en juin”, tempête l’institutrice dans sa robe colorée.

- Manger les économies –

Kamala touche normalement 2.000 livres de salaire mensuel et comme de nombreux fonctionnaires, son traitement n’a pas augmenté. Et quand ses 2.000 SSP équivalaient à environ 65 dollars au début de l’année 2016, ils valent désormais moins de 15 dollars.

“L’argent que nous dépensons à présent est celui que nous avions économisé pour l’avenir de nos enfants. On est obligés de puiser dans ces économies. Cet argent, qui devait payer des frais de santé ou d‘éducation, nous sommes en train de l‘épuiser, pour acheter de quoi manger”, témoigne l’institutrice.

“La solution première à ce problème, c’est la fin du conflit. Cela donnera à la population la possibilité de cultiver sa propre nourriture”, plaide Kamala.

Au Soudan du Sud, 85% de la population active n’est pas salariée et travaille en très grande majorité dans le secteur agricole. Mais le conflit a également fortement perturbé l’agriculture et le pays est confronté à une crise alimentaire de grande ampleur.

Le gouvernement du président Salva Kiir sait le caractère très sensible du sujet et a fait venir début mai à Juba des camions transportant de la nourriture depuis l’Ouganda voisin. Cet afflux de marchandises à prix subventionnés est censé permettre de desserrer la pression sur les prix. Mais l’effet est semble-t-il limité pour le moment.

- Marché noir –

L‘économie du pays a pâti ces dernières années de la baisse des cours du pétrole conjugué à l’impact de la guerre civile sur sa production pétrolière.

“Avant la crise de 2013, nous produisions 240.000 barils par jour. En 2014 et jusqu‘à la première moitié de 2015, la production s‘élevait à 160.000 barils par jour (…) A ma connaissance, nous sommes aujourd’hui en dessous des 130.000, entre 120.000 et 125.000”, explique à l’AFP le ministre des Finances Stephen Dhieu.

Ce dernier ajoute que le gouvernement s’efforce de remettre en état certaines installations touchées par le conflit et d’augmenter la production dans d’autres, pour atteindre une capacité de production de 160.000 à 180.000 barils par jour dans le courant de l’année.

Le pays est celui au monde qui dépend le plus de ses revenus pétroliers: ces derniers représentent la quasi-totalité de ses exportations et comptent pour 60% du produit intérieur brut, toujours selon la Banque mondiale.

Transporteurs routiers, taxis et particuliers ont toutes les peines du monde à remplir leur réservoir, condamnés à patienter de longues heures dans les files d’attente de stations-services rarement approvisionnées. Ou de s’en remettre au marché noir.

A Aweil, Sadik, 26 ans, vend ses 16 litres d’essence 2.800 SSP, contre 1.700 il y a six mois. En fait de marché noir, il s’agit ici plutôt d’un marché parallèle: son stand est situé au vu et au su de tous, à la sortie de la ville.

Et les seuls ennuis avec les autorités surviennent quand celles-ci s’aperçoivent que les revendeurs “gardent leur stock pour faire monter un peu plus les prix”.

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