Nigeria : hésitations de la justice sur le sort d'un leader indépendantiste biafrais

Le directeur de Radio Biafra Nnamdi Kanu a été inculpé de nouvelles charges mercredi. Sa relaxe avait pourtant été prononcée la semaine dernière.

La justice nigériane se montre mal à l’aise vis-à-vis de la procédure ouverte contre Nnamdi Kanu. Le leader irrédentiste biafrais a été présenté le 23 décembre à la Haute cour fédérale d’Abuja à la suite d’une plainte du gouvernement. Le juge Justice Ahmed Mohammed a décidé de suspendre l’audience après que Nnamdi Kanu et ses deux coaccusés ont dit ne pas avoir confiance en la neutralité du tribunal, et donc en sa capacité à connaître des accusations de trahison et d’“appartenancee à une organisation illégale”. Mes objections sont basées sur le fait que je n’aurai pas de procès équitable dans cette affaire, a-t-il expliqué. Je préfère rester en détention plutôt que d’apparaître dans un procès qui, je le sais, s’apparente à une perversion de la justice”.

Le procureur a objecté que la récusation d’un procès ne pouvait pas être soulevée à ce moment de la procédure. Un point de vue rejeté par le juge Mohammed. Ce dernier a fait savoir qu’il informerait le président de la Cour suprême de la volonté de M. Nnamdi de ne pas se faire juger par son tribunal.

Tournure politique

Nnamdi Kanu est le directeur de Radio Biafra et le leader de l’organisation Peuple indigène du Biafra , un groupe interdit connu dans le Sud-Est du Nigéria. Il a été interpellé à la mi-octobre 2015 et placé en détention dans les cellules de la SSS, les services secrets nigérians. Sa relaxe ordonnée le 16 décembre par la Haute cour fédérale d’Abuja n’y a rien changé. Le tribunal jugeait alors qu’aucune charge n‘était plus retenue contre lui sur des accusations de terrorisme et de financement d’organisation terroriste .

Son arrestation et les péripéties judiciaires qui l’entourent suscitent une vague de manifestations violentes dans les villes du Sud, à Lagos mais aussi dans d’autres régions du Nigéria. L‘écrivain Wole Soyinka a par exemple fait savoir dans une interview que “l’idée du Biafra ne peut pas être étouffée” tandis que les autorités traditionnelles de la région mettent la pression sur leurs élus afin de faire arrêter les poursuites contre Nnamdi Kanu et ses compagnons.

La guerre du Biafra est l’un des premiers conflits de sécession en Afrique après les indépendances. Entre 1967 et 1970, elle a causé près d’un million de morts, beaucoup ayant succombé à la famine et à la maladie.